Barnabé LAYE« Par temps de doute et d’immobile silence » – 2013 – Acoria éditions. (71 pages.) Epigraphe de Charles Sauvage.

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  • Barnabé LAYE«  Par temps de doute et d’immobile silence » – 2013 – Acoria éditions. (71 pages.) Epigraphe de Charles Sauvage.

Ce nouveau recueil du poète béninois, Barnabé LAYE, récemment publié aux éditions Acoria, côtoie le réel, mais ouvre également toutes les portes sur l’imaginaire, l’onirisme, l’approche de toutes légendes.

Cet ensemble à la fois mythologique et poétique est la confidence d’une rencontre, mieux d’une véritable entité, communion, passion entre le fleuve et le poète.

Nous célébrons ici le fusionnel !

« Ce soir je viens vers toi fleuve

Baigner dans tes entrailles pour renaître…/… »

Barnabé LAYE pose le regard sur son fleuve le Nil, de la même manière que s’il admirait son semblable, son prochain, tout particulièrement une femme maternelle où l’homme fragilisé par la traversée du désert, des épreuves de la vie, viendrait se ressourcer au bord de ses lèvres et se revitaliser à son énergie.

Nous abordons parfaitement le thème du pèlerinage, du retour aux sources, de la restauration de la mémoire du fleuve, du décryptage du secret de ses eaux amniotiques.

« Je viens vers toi…/…

Pour me noyer au plus profond de ton ventre

Ô Nil »

Pour Barnabé LAYE, c’est toute l’Afrique qui vient se désaltérer et se reposer sur les rêves limoneux du Nil.

L’absence volontaire de ponctuation attribue aux textes un élan supplémentaire de liberté.

Tout comme les oiseaux qui calligraphient le ciel de signes et d’idéogrammes informels.

« Dieu du Savoir et de l’Ecriture

Garde mémoire et parchemin des heures à venir »

Le fleuve transporte encore les millénaires de l’histoire et du destin de l’humanité. Il préserve dans ses eaux le devenir des hommes !

Mais pourquoi l’ont-ils mutilé en sa source, pourquoi l’ont-ils profané ?

Il faut retrouver les ondes primordiales, le souffle mystique des pierres érodées et des colonnes calcinées.

Barnabé LAYE développe ici avec son verbe, son style poétique, sa passion et érudition égyptologique.

Il entretient un authentique dialogue avec le fleuve.

« Que veux-tu me dire fleuve-mère

Laisse-moi le jour pour habiter le message

Découvrir la force et la signification »

Par la révélation du Nil le poète se protège à l’ombre des «  dieux ». Mais si le fleuve initie le scribe-poète, il ne lui épargne pas pour autant les épreuves et passages des degrés karmiques.

Il faut prendre le temps de trouver la mesure, la signification du message codé.

Par ce parcours initiatique nous sommes comme je l’ai déjà souligné, bien au cœur même d’une sorte de pèlerinage aux sources, qui n’est pas sans nous rappeler Lanza del Vasto.

Le poète-pèlerin doit retrouver les clés de l’origine. Ankh, la clé de vie, ouvrirait-elle aussi la porte des connaissances ?

Tout au long des siècles, sur les bords du Nil comme ailleurs, nous retrouvons toujours le mépris, l’arrogance des envahisseurs, des profanateurs, vainqueurs aujourd’hui, mais détrônés demain. Et l’histoire recommence !

« Sans égard ni respect sans retenue

L’orgueil de leurs machines à vif dans mon ventre

Creusait un gouffre immense et aveugle »

Profanateurs du fleuve Divin ?

Dans le cas présent les profanateurs sont venus de l’Est, plus précisément de l’Oural pour mutiler stupidement sans en mesurer les conséquences ce joyau aquatique, guidés par de seuls et inacceptables profits.

Ils ont blessé presque à mort le fleuve, qui tôt ou tard reprendra ses droits.

Mais Barnabé LAYE, le scribe-poète, n’en perd pas pour autant le cours de ses rêves qu’il fixe dans les grands granits roses, tout en se laissant glisser jusqu’aux portes du Delta.

Il s’approprie l’identité du fleuve, se confond à ses eaux fertiles.

La musique occupe une place importante dans la poésie de Barnabé LAYE, au sens propre par son rythme, sa cadence d’écriture et au sens figuré par la révélation colorée des métaphores imagées.

« Une musique lointaine caresse le dos de la nuit

Avec des notes tressées sur le ventre des cithares »

Néanmoins, ici je refermerai l’ouvrage afin que vous puissiez mieux le découvrir.

Je vous laisse savourer l’apothéose d’une magnificence : là où le Nil devient femme, une femme féconde.

« On dirait le vent dénudant une odalisque

On dirait …

Une FEMME

Et maintenant va à sa rencontre va !

Une vraie rencontre est un destin. »

©Chronique de Michel Bénard