Joël Bastard – avec des encres de Patrick Devreux : Ce soir Neil Armstrong marchera sur la lune (& – Esperluète éditions, 2013. Publié avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.)

  • Joël Bastard – avec des encres de Patrick Devreux : Ce soir Neil Armstrong marchera sur la lune (& – Esperluète éditions, 2013. Publié avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.)

Joël Bastard est un écrivain singulier, qui en tant que poète s’essaye à des formes inédites. C’est le cas de ce petit livre, qui dans une prose poétique – avec un arrière-plan de mystère, disons – nous propose un double conte : un récit en deux partie, dont chaque face est à la fois reliée à l’autre par une sorte d’atmosphère antinomique, et cependant sans relation autre que textuelle. Je ne vais pas déflorer cette courte «bistoire», je me contenterai de dire qu’elle est temporellement à cheval sur deux événements, l’un à valeur de fait divers, l’autre d’événement universel (vu du point de vue du fait divers également). Leur seule mise en regard, en miroir, induit une réflexion qui continue de me poursuivre depuis que j’ai lu ces récits d’une même seconde «où tout bascule» pour une double histoire humaine. Il y a une sorte de relation occulte et insolitement poétique, métaphysique, entre ces deux récits étrangers, étrangement lointains, l’un en Corse concernant une troupe en camping, l’autre au moment où un village attend le premier moment de l’homme sur la Lune. Il s’en dégage une conscience nouvelle de l’unité terrestre : selon quoi le hasard et la concomitance ne sauraient être des prétextes à considérer que le temps et l’espace n’entrecroisent pas leurs filets constamment, un peu comme aujourd’hui l’Internet, sur l’humanité planétaire, de manière à ce que même ceux qui ne se croient pas solidaires ou, pour le moins, reliés, découvrent qu’ils le sont au fond, quoique s’ignorant plus ou moins réciproquement. Une façon de rafraîchir l’idée que tous les humains oublient un peu facilement qu’ils sont «tous dans le même bateau». En poussant à peine plus loin, je dirais que là est la source véritable de l’écologie, qui n’a rien à voir avec des visions partielles et locales comme souvent en Europe, mais qui est cette prise de conscience d’une interrelation globale, appliquée à tout ce qui est vivant. Prise de conscience destinée à nous rappeler comment il convient d’habiter cette Terre.

© Xavier Bordes